Société civile

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Des notions de société civile

Nous reprendrons ici d'abord ici l'introduction de l'ouvrage de Gautier Pirotte (disponible par partie au CAIRN pour un total de 22 euro).


Un militant altermondialiste affirme : «À l’issue de la bataille de Seattle, il était clair que la société civile était devenue une troisième force mondiale. Elle prenait sa place à côté des gouvernements et des instances du marché, dans le cénacle des institutions clés qui déterminent aujourd’hui l’orientation et la nature de la mondialisation » [Perlas, 2003, p. 31] [1] [1]Les références entre crochets renvoient à la bibliographie en… . La présidente du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) prétend : « Parce que l’entreprise est un des principaux piliers de la société civile, pour ne pas dire le principal, elle doit s’adresser à toutes ses composantes. Nous jetterons des ponts vers des publics historiquement éloignés de nous, magistrats, médecins, artistes, ou qui se sont démarqués de nous plus récemment, les cadres par exemple. Le rapprochement avec le monde de l’éducation, avec tous les mondes de l’éducation, sera une priorité. Et, parce que les règles du jeu sont nouvelles, le MEDEF ne refusera pas le débat avec les ONG ou les associations qui sont déjà le monde de demain » [Parisot, 2005]. Une spécialiste des sciences sociales constate : « Beaucoup de sociétés sont aujourd’hui confrontées, à l’Ouest comme à l’Est, au Nord comme au Sud, à une question politique identique : comment ménager la tension entre la sphère privée et la sphère publique, entre l’individu et le social, entre l’éthique publique et les intérêts privés ? En dépit de leurs différences, ces sociétés partagent une perspective commune : la société civile est considérée comme un médiateur potentiel entre ces forces opposées qui représentent une menace pour la stabilité et la cohésion sociale » [Lehning, 1998, p. 27].


Ces trois citations illustrent des conceptions fort différentes, parfois opposées, dont la notion de société civile fait aujourd’hui l’objet. Depuis la fin de la guerre froide, la notion de société civile s’est imposée tant dans le langage profane que dans les discours savants, dans les récits médiatiques ou encore dans la « littérature grise » des institutions internationales (Union européenne, Banque mondiale, OCDE, etc.). En apparence, ce succès s’est produit sans que ce vocable ne revête toujours un sens très précis. La notion de société civile peut être employée aujourd’hui pour signifier un lieu de contestations ou d’oppositions, ou encore d’innovations sociales. Elle peut représenter l’ouverture d’un système politique démocratique confronté à une crise de représentativité .Elle peut se référer à des acteurs politiques, à des agents économiques, à la société au sens large, à une classe de courtiers du développement (comme les nouvelles organisations non gouvernementales ONG, ou NGO en anglais au Sud, par exemple), à des organisations patronales ou syndicales, à des réseaux associatifs pourvoyeurs de capitaux sociaux, etc.


La société civile se décline souvent par des jeux de distinctions plus ou moins précises. Elle se distingue tantôt de l’État, tantôt du marché, de l’Église ou encore de la société militaire. Ces jeux de distinctions n’éclairent que partiellement la tentative de définition d’un espace et d’acteurs sociaux particuliers.


Elle n’est pas l’État, dit-on. Dans la perspective associant la société civile à l’idée d’un contre-pouvoir, elle ne peut s’identifier ni au gouvernement ni à son administration. Distincte de l’État, la société civile serait pourtant mêlée à la sphère plus large du politique. On lui prête aujourd’hui des vertus particulières en tant que réservoir potentiel d’élites politiques ou facilitateur de la régulation publique. L’intérêt pour la société civile participe alors de la réévaluation du rapport du citoyen à l’État, du pouvoir politique à l’homme ordinaire [Lagrée, 2004].


La conception d’une société civile en tiers-secteur distingue la société civile non seulement de l’État mais aussi du marché. Mais les rapports entre la société civile et la sphère économique sont tout aussi complexes qu’entre la société civile et la sphère politique. Par exemple, les associations sans but lucratif qui animent ce tiers-secteur (cf. les associations de la loi de 1901), bien que ne cherchant pas, par définition, à accumuler du capital à leur propre profit, n’en sont pas moins parfois des opérateurs économiques imposants et influents.


La société civile se distingue également de la société religieuse. La société civile représente ainsi le monde des laïcs menant leur existence en dehors des institutions religieuses. Pourtant, les liens entre société civile et institutions, mouvements et organisations religieux sont confus, quelles que soient les convictions. Le phénomène n’est pas seulement propre au monde judéo-chrétien [Gandhour, 2002]. On doit également rappeler l’importance du rôle joué par certains hommes d’Église au sein de sociétés civiles s’opposant aux régimes autoritaires d’Amérique latine ou d’Europe centrale.


La société civile, enfin, n’est pas la société militaire. Dans ce cas, la société civile englobe tout ce qui ne porte pas de treillis, ce qui inclut alors l’Église, le gouvernement et le marché, pourtant exclus de la société civile par ailleurs.


Dès le début des années 1990, Dominique Colas constatait avec sévérité : « Devenu l’étiquette de toutes sortes de marchandises, ou parfois même le label du vide, “société civile” forme un lieu commun où les commodités d’un mot de passe permettent de se parler sans savoir ce que l’on dit, ce qui évite de trop se disputer » [Colas, 1992, p. 44]. Au fil des siècles et des contextes sociopolitiques, principalement occidentaux, les conceptions de la société civile sont venues se superposer (et non se succéder) au point d’alimenter ce caractère polysémique.


C’est que le « réveil des sociétés civiles » termes très usités dans les champs médiatique et scientifique depuis la période de transition démocratique d’Amérique latine et d’Europe centrale et orientale des années 1980 et 1990 n’a pas vraiment favorisé cet éclaircissement conceptuel tant attendu en dépit de nombreuses tentatives [entre autres : Rangeon, 1986 ; Colas, 1992 ; Seligman, 1992 ; Ehrenberg, 1999 ; Et emadi, 2000 ; Khilnani, 2001]. Au contraire, un décalage croissant semble s’opérer entre les doutes et interrogations que formule le monde académique (surtout francophone) quant à l’intérêt scientifique de cette notion d’une part et, d’autre part, le développement (voire l’institutionnalisation) de certains usages sociaux par des acteurs variés intégrant cette notion jusque dans leur registre d’action collective et leurs identités(«nous, acteurs de la société civile…»). Alors que les représentations de la société civile se multiplient et donnent naissance à des effets sociaux et politiques concrets (des conseils consultatifs municipaux aux nouveaux secteurs ONG des pays du Sud), les chercheurs s’interrogent : quelle est cette évidente liaison entre la société civile et le fonctionnement des régimes démocratiques ? Les notions d’espace public et de société civile se confondent-elles ? A-t-on vraiment assisté, depuis la fin des régimes autoritaires à l’Est et au Sud, à l’«éveil » des sociétés civiles dans le cadre de processus de transition multiformes ? Et d’abord, existe-t-il des sociétés civiles en dehors du monde occidental où les tentatives de conceptualisation ont été les plus abouties ? Est-ce bien un nouvel abus de langage que d’oser parler d’une société civile globalisée?

La continuité civile

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Repères Internet

Accord de Cotonou
http://europa.eu.int/comm/development/body/cotonou/agreement_fr.htm
Banque mondiale et société civile
http://www.banquemondiale.org/
Center for Civil Society Studies, Johns Hopkins Institute (États-Unis)
http://www.jhu.edu/~ccss/
Centre for Civil Society-London School of Economics (Royaume-Uni)
http://www.lse.ac.uk/collections/CCS
Civic Practices Network
http://www.cpn.org
Civil Society International
http://www.civilsoc.org/
Civicus (World Alliance for Citizens Participation)
http://www.civicus.org
Civitas
http://www.civnet.org
Nations unies et société civile
http://www.un.org/issues/civilsociety/
Objectifs du millénaire pour le développement
http://www.un.org/french/millenniumgoals/
The Saguaro Seminar (Civic Engagement in America)
http://www.ksg.harvard.edu/saguaro/index.htm
Union of International Associations
http://www.uia.org